Zenguilan l’azerbaïdjanaise, futur carrefour stratégique sur la route de la Soie
C’est une très longue route depuis Bakou, peut-être la plus longue diagonale bitumée du pays et le chemin se fait par étapes pour finir par de la piste et sous escorte policière. D’Est en Sud-Ouest, plus de 350 kilomètres relient la capitale de l’Azerbaïdjan, à l’une des villes les plus isolées du Karabakh, Zenguilan, que le pays a récupéré le 20 octobre 2020, avant même le cessez-le-feu du 10 novembre 2021. Et ce, à la suite d’âpres combats qui ont duré dans la région pendant 44 jours contre les forces pro-arméniennes qui l’occupaient depuis 27 ans. La zone est passée désormais sous contrôle de l’Azerbaïdjan alors qu’après l’effondrement de l’URSS, les réveils nationalistes régionaux avaient poussé l’Arménie, dans leur projet de « Grande Arménie » à occuper ce territoire que Bakou a toujours considéré historiquement comme le sien. Le droit international, à la faveur de quatre résolutions des Nations-Unies, lui donna raison dès 1993 mais il ne fut jamais appliqué. Pendant trente ans, des centaines de milliers de réfugiés ont dû faire une croix sur leur vie d’avant et une partie de leurs racines.
Car alors que 800.000 Azerbaïdjanais sont à l’époque chassés des terres du Karabakh, des centaines de milliers d’Arméniens viennent eux s’y installer. Nous voulions nous rendre dans la ville d’où était originaire ce couple de réfugiés rencontrés à Bakou, Rassül et Agnül, et qui n’aspirait qu’à une chose désormais : rentrer, reconstruire leur maison, reprendre la culture des vignes, et mourir ici. Leur dernier fils était parti combattre à l’hiver dernier contre les Arméniens pour cette terre, comme l’avait fait le père pendant la première guerre du Karabakh où il y avait été blessé à trois reprises. Mais Zenguilan est dans leur sang.
Plusieurs villes comme la fameuse Aghdam, Fizouli, et ici Zenguilan, vont subir le même sort. A la fois l’abandon, la destruction, et parfois la construction et l’installation d’une nouvelle vie arménienne pendant près de trente ans. Mais ce n’est pas toujours le cas : Aghdam a été détruite et personne n’y a jamais habité alors qu’elle était l’une des villes culturelles les plus connues du pays. On venait y piller les pierres pour rebâtir ailleurs et depuis les Arméniens ont tout miné avant de s’enfuir. Lorsque l’on découvre le district de Zenguilan, face à l’âpreté du paysage autour d’Aghdam, on y voit tout autre chose : à quelques kilomètres des Alpes du Caucase, comme l’on appelle ici le paysage montagneux qui caractérise Zenguilan, on fait face aujourd’hui à une ville fantôme comme Aghdam mais qui elle a vécu pendant l’occupation. Les Arméniens y ont vraiment vécu. Il faut dire que l’endroit y est superbe. Du moins, on peut s’y projeter.